Testament de Georges BEILLEVAIRE
La place des Pauvres dans ma vie de Prêtre.
Enfant, j'ai vécu une certaine pauvreté par les conditions de vie de mes parents. Ce vécu me permet aujourd'hui de demeurer attentif aux difficultés des personnes et des familles du monde populaire.
Jeune prêtre, je suis envoyé à Herbins, c'est un parachutage rapide et brutal pour une mission à laquelle je ne suis pas préparé.
Herbins, cité ouvrière de la périphérie nazairienne, aux baraquements en bois construits hâtivement au lendemain de la guerre, qui abritent des familles déracinées de leur campagne. C'est au contact de ces familles que j'ai senti la morsure de la pauvreté avec des fins de mois difficiles, la peur du lendemain et des enfants à élever. Il faut alors se remettre à l'école de la vie pour découvrir le terrain, comprendre les préoccupations des personnes avant de se risquer à annoncer une parole évangélique susceptible d'être entendue.
Les militants ouvriers m'ont permis d'ouvrir les yeux sur cette réalité. Ils m'ont appris à écouter, à regarder sans juger, à déceler les racines du mal pour les combattre, à admirer les nombreux gestes de solidarité et à respecter la dignité des personnes.
PO, j'ai été appelé au travail par l’Église en 1967. L'entrée au travail a provoqué un véritable choc qui vous met à nu et vous enlève tout ce qui reste de notabilité.
Comme intérimaire, j'ai découvert la pauvreté de la marginalisation et la précarité avec en prime la relégation vers les travaux les moins intéressants. Impossible de s'enraciner, de créer des liens solides et difficile de s'organiser collectivement.
Enfin, ''Eaton'', j'ai découvert que les multinationales sont, avant tout, préoccupées de réaliser le maximum de profit au détriment de la dignité des salariés. J'ai participé à la mise en place de la section syndicale CFDT. Même si l'action syndicale demeure difficile, elle demeure une école de formation. Y a-t-il plus belle louange à adresser au Seigneur que celle de rendre la dignité aux personnes créées à la ressemblance de Dieu.
Pour les PO, leur nourriture spirituelle émane de la contemplation du mystère de l'Incarnation. Nous sommes reliés à cet enfouissement du Dieu de Jésus-Christ qui a décidé de partager la condition des hommes en choisissant la dernière place.
Rejoindre les personnes en vérité, partager leurs conditions de vie c'est pour nous, PO, vivre notre ministère d'humanité.
Y avons-nous annoncé Jésus-Christ ? C'est difficile à affirmer, mais nous avons contribué avec d'autres à montrer notre intérêt et notre amour pour ce monde ouvrier et commencé à fissurer le mur ou ce fossé qui existe entre l’Église et ce monde-là.
En acceptant de devenir PO, je devenais le simple serviteur de mes camarades que j'allais rencontrer sur mon chemin en partageant leur vie et en m'engageant à leur service, car la seule façon, de plaire à Dieu c'est d'accueillir et de servir le frère et la sœur qui font route avec toi.