NOUS MELER DE CE QUI NOUS REGARDE
Les élections présidentielle et législatives qui approchent comportent un imprévu majeur : celui de savoir si les citoyens vont enfin décider d’en finir avec les hommes providentiels, les marchands de bonheur à quatre sous, les prédicateurs des lois du marché et de ses impératifs incontournables et les diffuseurs de pesticides nauséabonds à en vomir… Si nous allons nous décider de nous mêler de ce qui nous regarde !
L’enjeu est moins simple qu’il n’y parait car les obstacles à franchir sont multiples : les programmes, pour beaucoup, sont pliés, les hommes sont trouvés, une vie meilleure est assurée… en somme, on ne nous demanderait que de mettre un bulletin de vote, et, pour le reste, « nous sommes là, nous vous protégeons, faites-nous confiance… ». Finalement, nous ne serions utiles que pour approuver ce qui est décidé pour nous par d’autres…
Le premier impératif est donc de retrouver le goût du débat, de la co-construction de mini-projets, car c’est là, au plus près du terrain, que se pratique l’écoute des attentes, des déceptions, des espoirs des hommes et des femmes avec lesquels nous vivons. C’est là aussi que s’analysent les causes, que s’expriment des propositions, et que se forgent et s’élaborent des projets. Mandela disait : « Tout ce qui se fait pour nous sans nous se fait contre nous ». Comment revitaliser ce premier maillon essentiel ?
La culture du débat permet d’ouvrir, avec d’autres, des fenêtres, d’imaginer des chemins d’avenir. C’’est probablement la meilleure manière de lutter contre le fatalisme ambiant et la désespérance. J’entends dans mon quartier : « On a essayé la droite, ça n’a pas marché. On a essayé la gauche, ça n’a pas marché… Alors, on va voter Le Pen, on verra bien »… La complaisance des médias avec les représentants de partis racistes et xénophobes n’y est pas pour rien. Mais le mal est plus profond…on joue son va-tout car on n’a plus rien à perdre… Promesses non tenues, discours sans lendemains… bonjour les dégâts !
Inutilité, fatalisme, désespérance, trois cancers qui rongent la vie politique et ne peuvent rester sans réponses. La première, pour nous, est, bien évidemment le témoignage de l’engagement dans le combat politique. Et là, une question m’habite qui me vient de ce que je vois et ce que je vis, et de ma Foi en Christ : Sommes-nous condamnés à cautionner un système qui appauvrit les trois quarts de l’humanité et détruit la planète ? Qui broie, mutile, exclut et détruit l’humain de l’homme, par millions ? Qui ne propose que d’aller de régression en régression alors qu’une infime minorité confisque les richesses, les pouvoirs et la culture ?
Pour ma part, je suis convaincu que le capitalisme est intrinsèquement pervers car il développe ses tentacules dans tous les domaines où le progrès de l’humain est en jeu. La rupture avec ses chantres et ses défenseurs est nécessaire. Il y a urgence à faire grandir la résistance. A se mettre à la même table pour inventer un autre monde où les besoins élémentaires de tous puissent être satisfaits. Ensemble, nous en sommes capables !
Nous, croyants, nous avons, en plus, entre les mains l’outil le plus révolutionnaire de l’humanité : c’est l’Evangile, dont le contenu subversif permet de relever tous les défis. C’est ce qui me passionne dans la personne de Jésus, c’est la puissance de sa force à remettre en marche un peuple paralysé, bâillonné par les dignitaires de la religion et le pouvoir romain. « Vas-y… lève-toi... confiance... n’aie pas peur... il t’appelle... tu es capable... debout… ». Ce n’est pas dans les puissances d’argent ni dans les puissants du monde qu’il met sa confiance, c’est dans le peuple, surtout le plus opprimé, car il lui fait reprendre conscience de sa force et de sa dignité. Capable de bâtir de la fraternité… de promouvoir la justice… de devenir artisans de Paix… de permettre de rêver à un autre monde… Celui, précisément, que le Père a soif de voir advenir.
Alors, les élections ?… Oui, un moment privilégié pour exercer pleinement sa responsabilité citoyenne. Pierre Niobey, prêtre-ouvrier