sécularisation et désacralisation.
Sortir de la religion pour aller vers la foi comme l'ont fait les prêtres-ouvriers et d'autres aussi qui ne les ont pas attendus, se situe dans un processus de désacralisation, c'est à dire de séparation du profane et du sacré.
Dans la nuit des temps, le sacré imprégnait, le divin habitait la totalité de la nature, la totalité des événements, la totalité de la vie humaine. Dieu habitait dans les choses, il commandait la pluie, le beau temps et le déluge, il gagnait les batailles, il prescrivait. Il fallait organiser des sacrifices pour gagner ses faveurs. Qu'on songe aux empereurs romains qui ont été divinisés de leur vivant à partir d'Auguste (mort en 14), qui offraient et le peuple avec eux, nombre de sacrifices à nombre de dieux dans l'espoir d'attirer leur bienveillance.
Le sacré s'est retiré progressivement de toute réalité et le monde est devenu entièrement profane. Dieu n'est plus l'explication dernière aux questions restées sans réponse, la devise de la république (le beau mot de fraternité qui n'est pas encore galvaudé !) peut servir de fondement à une morale aussi bien que l'amour du prochain. L'amour du prochain est d'ailleurs une référence parfaitement profane. Le sens de la vie et de la présence au monde ne relèvent plus de la sphère divine.
Ce sont aussi les croyants de l'ancien et du nouveau testament et les chrétiens qui ont profanisé le monde en le purgeant du "mauvais sacré" et des faux dieux pour reconnaître en Dieu un être transcendant et dans autrui une inaliénable dignité, - l'inaliénable dignité constitutive de la personne tient de la transcendance divine-. A Strasbourg, le pape François a rappelé la sacralité de la personne humaine ; celle-ci est le fondement reconnu par tous, même si dans les faits elle est horriblement et massivement bafouée à chaque minute .
Ce retrait du sacré de la réalité installe le champ de l'autonomie de l'être humain, de sa liberté, de sa responsabilité,- le monde est profane pour lui permettre la responsabilité "sans Dieu"- et "sécurise" la notion de transcendance de Dieu.
C'est dans ce monde profane que nous vivons, travaillons, militons, dans une fraternité universelle, entièrement gratuite, comme si Dieu n'existait pas et même si Dieu n'existe pas. Les tâches humaines sont les mêmes pour tous, croyants et incroyants, et tous ont les mêmes motifs pour les réaliser. Le sens du combat concret pour la justice est de faire droit aux droits fondamentaux de la personne humaine sans lesquels la dignité humaine est niée : manger, boire, se vêtir, se laver, se loger, apprendre, travailler, aimer, prendre des responsabilités, C'est dans ce lieu que nous sommes, dans le combat de la justice dont la raison et le but sont la dignité humaine.
Comment se situer dans ce mode profane ? Ce monde profane, champ de responsabilité, je le reçois, et je nous reçois, comme don de Dieu ; c'est ce qui distingue le croyant du "non-croyant". La fraternité et l'amour du prochain qui sont espérés, vécus et qui exigent du croyant comme de tout humain, le croyant les voit prendre leur source en Dieu, il les voit pleinement vécus par Jésus de Nazareth..
Le monde est devenu profane, en séparant le sacré du non-sacré en retenant comme seule sacrée l'inaliénable dignité humaine. C'est là l'œuvre de la foi qui reconnaît en autrui dans le monde profane, une source divine.
le vendredi 7 août 2015